Le verre, ça sert à boire des coups, mais ça sert aussi à fabriquer des processeurs |
————— 19 Septembre 2023 à 11h45 —— 28234 vues
Le verre, ça sert à boire des coups, mais ça sert aussi à fabriquer des processeurs |
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Intel officialisait il y a quelques jours puis par voie de presse hier le futur usage du verre — rappelons que la composante principale du verre, c'est la silice — pour concevoir ses substrats, en remplacement des substrats organiques utilisés depuis des décennies. Le substrat, c'est le bout de polymère sur lequel on pose le ou les dies et dans lequel on retrouve notamment les interconnects. Santa Clara y voit là, enfin depuis une dizaine d'années tout de même que la R&D planche sur la question, une solution convaincante pour prolonger encore plus la conjoncture de Moore — ou le More-Than-Moore si vous préférez — mais aussi pour l'intégration multi dies au sein de SiPs (System-in-Packages), dont Intel mise d'ores et déjà sur des assemblages XXL de... 240 mm² et d'approcher les 1000 milliards de transistors ! Les threadrippers peuvent aller se recoucher.
Le verre, c'est la fête aux avantages : une densité d'interconnexions bien plus élevée, sur un multiple de 10 selon la firme, avec la garantie d'une fabrication nettement plus précise ; composante essentielle pour la distribution d'énergie — avec moins de pertes diélectriques — et pour le routage des signaux.
C'est également une meilleure tenue mécanique et thermique, assurant lors de l'assemblage moins de déformations post contraintes, de même que le verre offre un coefficient de dilatation thermique plus élevé, similaire au silicium ainsi qu'une une bonne stabilité chimique. En résultent des puces plus efficaces et donc aptes à fonctionner plus vite sans encore avoir à recourir aux structures photoniques. Cela dit, l'intégration de ces interconnexions optiques, dans un futur plus ou moins proche, serait également facilitée au sein même des packages.
En images : un (grand) panneau d'interposeurs, puis des unités de test et enfin un CPU consumer doté de substrat en verre © Intel
N'imaginez cependant pas un die entouré de verre en guise de futur CPU : il s'agit de remplacer les éléments internes au substrat. Après, dixit la firme, près d'un milliard de dol's d'investissement pour la ligne de production test en Arizona, Intel sera seul à pousser ce process de fabrication, qui en soit n'a rien de réellement novateur, on trouve même des brevets de plus de dix ans sur le sujet, engendrant forcément un surcoût face aux éprouvées techniques des polymères actuelles. Des surcoûts non pas dû au matériau de base, le verre étant peu cher, mais plutôt pour la mise en place des moyens de production.
Les substrats en verre (c'est-à-dire en oxyde de silicium) sont quelque chose d'assez maîtrisé. L'un des très gros avantages du verre, c'est que c'est un matériau qu'on utilise déjà beaucoup dans la microélectronique. Donc on sait très bien le graver, y déposer des trucs dessus, comment le chauffer, etc. Le gros avantage de l'oxyde de silicium est que c'est un excellent isolant, qu'on utilise en fait déjà assez largement dans les puces pour faire l'isolation entre les lignes de cuivre des interconnexions.
Intel nous promet un interposeur dont le substrat (le cœur, quoi) serait isolant plutôt que semiconducteur. Pour le reste, c'est un interposeur classique. Donc la question est : qu'en attendent-ils ? Premièrement, moins de couplages parasites sur les signaux traversant entre le haut et le bas de l'interposeur. Donc la possibilité d'augmenter la fréquence des bus de signal qui empruntent ces vias.
Deuxièmement, augmenter en effet la densité des interconnexions entre les dies, qui sont actuellement limitée par la résolution du circuit imprimé ; on parle de faire des lignes de quelques dizaines de nanomètres d'écartement. Et donc d'augmenter les capacités des bus entre les puces. La vraie question, c'est est-ce que ça permettra au System-in-Package de rester devant le System-on-Chip, ou est-ce que ça le mettra dans une niche ?
C'est donc là un vrai pari technologique induit, qui s'il s'avère gagnant, pourrait bien contribuer à remettre Intel sur son piédestal fortement bousculé cette dernière décennie par des anticipations techniques partiellement ratées.
D'autant que, en dépit de toutes ses qualités, les pitchs de 75 µm — montrés pour l'occasion par Intel sur une puce multicouche parfaitement fonctionnelle, dotée d'un substrat en verre de ~1 mm —, sur les TGV (through-glass vias en opposition avec les TSV, through-silicon vias) sont encore loin d'égaler ce qui se fait sur les technologies Foveros ou EMIB. Néanmoins, Intel annonce que cette technologie sera au point industriellement d'ici à 2030 et que les premiers bénéficiaires devraient forcément être les clients de type HPC et autres, oui vous avez deviné, spécialistes IA ; en outre que les deux technologies de substrats cohabiteront de nombreuses années avec en ligne de mire un coût similaire de fabrication, CPU ou GPU confondus.
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