12VHPWR-gate : passé et avenir de l'ex-alim du futur |
————— 16 Novembre 2023 à 13h02 —— 51459 vues
12VHPWR-gate : passé et avenir de l'ex-alim du futur |
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Tribune — Le tout-PC en fait ses gorges chaudes : le 12VHPWR serait de la merde. Ce nouveau connecteur prendrait feu, tuerait vos cartes graphiques et ne ferait pas revenir l'être aimé. On en avait même fait une chanson ! Le Comptoir revient avec vous sur les dernières nouvelles des câbles du PCI-SIG (Peripheral Component Interconnect Special Interest Group) qui n'en sont en fait pas ; mais c'est l'occasion de parler de manière un peu plus vaste du pourquoi - comment.
C'est digne d'un film d'horreur
Avant toute chose donc, le « CopprLink » annoncé à l’International Conference for High Performance Computing, Networking, Storage and Analysis (SC23) a peu de choses à voir avec les alimentations relatives au PCIe, contrairement à ce qui a pu être dit ou écrit. Plus probablement, il s’agit d’une évolution de l’Oculink qui permettrait d’atteindre les vitesses de transfert du PCI Express 5.0 et 6.0. Et donc plus généralement réservé au matériel pro.
L’Oculink est utilisé pour connecter des périphériques PCIe sans nécessiter le connecteur de bord de carte traditionnel, pour du stockage voire des cartes d'extensions externes, d'où sa présentation pour du calcul haute performance. Le changement de nom pourrait signifier un standard de connectivité uniquement cuivre, alors que le PCI-SIG a formé un groupe de travail spécifique à la connectivité optique en août. L’Oculink proposait aussi une possibilité de connexion optique qui n’a jamais vraiment décollé.
Mais quittons donc le monde du calcul hautes performances pour revenir à nos simples X0X0 flambées.
Avant toute chose, le 12VHPWR ne sort pas de nulle part. En réalité, le PCI-SIG s'est appuyé sur un héritage assez important. C’est un connecteur wire-to-board. Il va être composé d'un header (mâle) soudé sur la carte à alimenter, avec en général des pins en alliage de cuivre plaqué et d'un housing polymère. La partie femelle sera le réceptacle, composé d'un housing polymère. Dans ce housing seront insérés des terminaux, qui sont à sertir sur des fils avant insertion à l'aide d'une pince ou d'une presse.
Un terminal à oilp à sertir
Les connecteurs à sertir sont très communs, allant des ventilateurs pour boîtier jusqu'à l'alimentation de gros électroménager. Certains sont connus du grand public, comme le vénérable Molex 4 broches, qui trustait nos alimentations il y a encore 2 décennies. Les micro fit, initialement aussi de Molex mais maintenant produit par toutes les grosses marques de connecteurs (mais aussi les petites), équipent encore les PC, décliné en micro fit 4.2 et micro fit 3, le chiffre correspondant à l'écartement entre les contacts en millimètres.
Un Header 2x4 de type micro fit 3.0 (MPC3 Würth Elektronik)
Le sertissage (crimping en anglais) va consister à dénuder les fils un par un pour y mettre le terminal et le sertir, c'est-à-dire venir le presser contre le cuivre du fil à l'aide d'un outil. C'est une technologie en concurrence avec plusieurs autres pour réaliser une connexion câble-connecteur. L'IDC, pour Contact en Déplacement d'Isolant (utilisé par exemple dans les câbles Ethernet ou les nappes de câble type IDE) va utiliser des contacts en lames pour venir percer la gaine du fil et prendre le contact. Le solder bucket va demander de souder les fils un par un dans des petits creux. Le sertissage est, quand il est bien fait, extrêmement fiable.
Pour ce qui est des connecteurs de type micro fit, un des avantages est que l'assemblage des terminaux dans le housing a un peu de jeu, et donc peut facilement s'ajuster au Header en face. Une des caractéristiques des MicroFit est la structure en plots. Ces plots vont avoir des formes légèrement différentes, des codages pour éviter de mettre le réceptacle à l'envers ou d'en mettre un plus grand dans un plus petit: les fameux détrompeurs. Lorsque les deux connecteurs sont assemblés, les contacts sont isolés les uns des autres par le housing du header et du réceptacle à la fois. C'est excellent pour éviter les courts-circuits, et donc très pertinent pour des connecteurs relativement haute tension.
Un Header 2x3 de type micro fit 3.0 (MPC3 Würth Elektronik)
Et c'est d'ailleurs leur utilisation. Initialement conçus et testés pour des alimentations de 5 ampères et jusqu'à 250 V, les exigences des cartes graphiques ont poussé les constructeurs à les valider pour des courants allant jusqu’à 13 ampères. Puis de les compacter, passant du 4.2 mm au 3 mm d’écartement, pour pousser tout de même du 10.5 ampères... malgré un connecteur plus petit.
Le souci, c’est que là on vous cause de micro fit (Molex), de MF (Amphenol), de MPC (Würth Elektronik) et bien d’autres parfois sortis d’ateliers chinois qui font sécher leur plastique de provenance douteuse au soleil, mais ce n’est pas une norme. C’est un tas de solutions propriétaires qui ne partagent la même forme que par un habile jeu de copie et de magouilles à la propriété intellectuelle. Le PCI-SIG entreprend donc en 2021 le travail de faire un connecteur pour unifier l'alimentation des cartes-filles qui utilisent le bus PCI Express. Et surtout les plus gourmandes, les cartes graphiques, ne nous mentons pas. En vérité, le port PCIe de votre carte mère alimente aussi vos cartes d’extension jusqu'à 75W. Certes, pas assez pour faire tourner bien plus qu’un NVMe ou une carte réseau, mais quand même.
L’objectif de ce connecteur ? 525 W. 600 W total avec l'alimentation incluse depuis la carte mère. Comment va-t-on faire cela ? Et bien on va emprunter aux deux plus gros standards de connecteurs I/O du marché : le RJ45 et son Power-over-Ethernet et l’USB Power Delivery, et foutre ça dans un micro fit.
On va donc mettre 6 paires de fils, chacune pouvant nominalement passer 12 volts et 9 ampères (aller-retour) au maximum. Sauf que ça, c’est quand même assez risqué. Envoyer 525 W dans la tête d’une carte de calcul, ce n’est pas rien. Donc on va demander un handshake de la part de la carte. Aux 12 fils d’alimentation s’ajoutent donc 4 autres fils : deux fils de communication, qui permettent à l’alimentation et à la carte de communiquer, plus deux fils de « SENSE », qui permettent à l’alimentation de détecter la configuration de base de la carte.
Et ça, c’est malin : si pour les micro fit, on devait faire le choix de la tension ou du courant — mais pas les deux à la fois —, pouvoir contrôler par le dialogue le moment et les rampes pour envoyer la patate, ça permet de se débarrasser des problèmes de pic de courant, comme au moment de l’allumage — le courant d’appel — ou autres courants transitoires. C’est un bon moyen pour réduire les marges de sécurité sans réduire la sécurité. Et donc de pouvoir se permettre des plus grosses puissances avec un petit connecteur, comparativement.
Le PCI-SIG se base donc sur des technologies éprouvées et des succès commerciaux. Le PCIe 5.0 Power (son premier petit nom, car il sort en même temps que la norme PCIe 5.0) est lancé. le PCI-SIG a donné des caractéristiques techniques à respecter, la liste de tests à passer pour qualifier le produit, les dimensions caractéristiques issues des micro fit 3.0…
Plusieurs fabricants différents se mettent à produire des 12VHPWR. Leurs produits passent les tests, sont inclus dans des alimentations et des cartes graphiques coûtant un salaire — y compris pour ceux qui produisent les chipsets du dit GPU. Et pouf, ça déconne. Des connecteurs surchauffent, fondent, grillent les cartes graphiques branchées et commencent même à attaquer les alims. Stupeur : du PCI-SIG aux OEM qui ont produit les 12VHPWR, aucun des acteurs n’est apparemment responsable.
Pour comprendre, il faut revenir au début du chapitre précédent. Avant le 12VHPWR, chaque fabricant avait sa gamme. Chaque fabricant testait donc ses headers avec ses terminaux et ses réceptacles. Ils contrôlaient l’intégralité de l’environnement de test. Et si leurs tests n’ont pas suffi et qu’un client crame sa carte avec un connecteur défectueux, la facture était pour le fabricant. Si un client voulait mettre un header micro fit 3.0 Molex avec un réceptacle MPC Würth et des terminaux Amphenol, par contre, il pouvait se gratter pour la garantie et le moindre dédommagement. D’où les énormes marges et disclaimers que tout le monde prenait lors de la conception du moindre dispositif les utilisant. Bref, malgré des tests pas forcément plus poussés et des dessins pas forcément plus précis, tout le monde était prudent.
En reprenant une conception similaire avec un niveau de détail ni plus ni moins aussi précis que les connecteurs de type micro fit, le PCI-SIG a par contre fait sauter cette prudence. Sans que les connecteurs 12VHPWR ne soient intrinsèquement mauvais, le standard laisse beaucoup trop de latitude aux fabricants. Pour comparaison, les tolérances de d’USB-C rien que sur les dimensions extérieures vont être 5 à 10 fois plus faibles.
Les détails techniques tels que le plaquage ou le matériau des pins, ou la forme des terminaux sont laissés au bon vouloir du fabricant. Ce qui donne des combinaisons entre header, réceptacles et terminaux qui parfois ne conduisent pas assez bien le courant. Ou qui, pire, laissent passer le courant des pins de communication, mais pas assez ceux des pins de puissance quand le connecteur est mal branché.
Si les ailettes de type Astron que l'on avait vu il y a plusieurs mois offrent moins de rétention dans le header, le terminal dispose d'une bien plus grosse surface de contact avec la pin qui lui fait face, ce qui diminuerait la résistance de contact par rapport à la NTK.
Et quand un pin a une résistance trop élevée, il chauffe. Parfois même trop pour des plastiques comme le polybutadiène des réceptacles, voire les polyamides ou les LCP de certains headers. D’où les dégâts.
Et donc, malgré le fait que tout le monde suivait un bon standard, inspiré des meilleurs, et qui marchait en plus très bien jusque là, c'est l’interopérabilité des pièces entre les différents fabricants qui pose problème. Ironie du sort, c’est parfois des câbles d’alimentation vendus séparément qui font un meilleur boulot, et pas forcément parce que leurs composants respectent mieux le standard !
Le PCI-SIG a revu sa copie en corrigeant ces défauts, en tentant de sécuriser la conception de leur bébé, de lui redonner vie et surtout de redonner confiance en lui. Mais, malgré la perte douloureuse de certaines GPU et alims, il ne faut pas oublier qu’écrire une norme là où il n’y en avait pas est incroyablement compliqué.
Pour le moment, seul le nom provisoire de cette V2 est connu : le 12V-2x6. Pour l’instant, et tant que les spécifications définitives ne sont pas communiquées, nous n'avons que les changements de dimensions majeures qui sont confirmées. Rien concernant les matériaux, le plaquage ou les câbles. Des câbles plus épais aident à la dissipation de chaleur, et un plaquage galvanique en or au lieu de l'étain diminuerait la résistance de contact, le cas échéant.
Les plus gros changements en vue de l'ATX3.1, ce sont les contacts de SENSE et ceux permettant de faire le handshake du header qui ont été raccourcis, pour s’assurer que le connecteur soit bien enclenché avant d’envoyer la patate. Les pins de puissance ont eux été légèrement allongés.
Et ça, on peut légitimement se demander pourquoi Amphenol (qui a participé à la rédaction du standard) n'avait pas déjà ce design de POWER pins dès le début. Parce que c'est quelque chose de connu, l'intéret d'avoir les pins enfoncés au bout du terminal, justement pour éviter les faux contacts.
D'un point de vue de l'utilisateur, ça permettra de conserver les câbles du 12VHPWR au 12V-2x6. D'un point de vue industriel, il s'agit probablement de la modification qui permettait de changer le moins possible l'outillage et donc de limiter la casse de ce lancement raté : une mesure bienvenue en ces temps de crise pour l'industrie des composants. Certains fabricants individuels avaient déjà planché sur des modifications des terminaux pour améliorer la surface de contact et la rétention avant crise (comme l'ajout de trois nouveaux points de contact par rapport au design Astron), mais pas de nouvelles de ça dans le draft.
La conclusion de ce billet sera une pensée pour les testeurs, puisque dans les conditions de benchmark, peu de chances de voir beaucoup de différence entre le 12V-2x6 et le 12VHPWR. Ils pourront se consoler avec le passage du connecteur à 600 W maximum en nominal, ce qui porte l'alimentation maximale possible pour une carte PCI Express dans votre tour à ... 675 W !
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