Composé par
N. D.
————— 24 Septembre 2018 à 17h54 —— 15583 vues
Vos oreilles en ont été rabâchées depuis quelques années déjà, et c'est un fait avéré : le silicium file vers sa mort. Avec le ralentissement de la conjecture de Moore, qui se transcrit en
difficultés de gravure voire régressions, la nécessité de changement se fait sentir. Si l'informatique quantique représente une alternative structurellement plus puissante, les températures extrêmes requises en font une solution peu crédible dans un autre usage que les serveurs.
Non, c'est actuellement du côté des technologies des nouveaux matériaux qu'il faut baver. Ça n'est pas pour rien que le PDG de la start-up dont il est question aujourd'hui, Bill Gervasi (à la tête de Nantero), commence sa présentation en ces termes "De la mémoire en nanotube de carbone ; cela sonne tellement sexy que j'ai l'impression que je devrais la fermer et ne plus rien dire du tout".
Au-delà ce ce discours commercial, il est vrai que les nanotubes
reviennent souvent dans la littérature scientifique. La
NRAM (Nano-RAM) en particulier semble bien avancée : Nantero agit en effet de manière similaire à ARM, en vendant (à Fujitsu par exemple) uniquement la propriété intellectuelle de leur puces, sans jamais se lancer eux-mêmes dans la fabrication. Les détails techniques étant.... techniques, c'est chez notre confrère WikiChip que l'on retrouve un dossier vulgarisé intégralement dédié à cette technologie.
Cette mémoire, de type non-volatile, a vocation à remplacer la DDR4 actuelle, ainsi que ses successeurs. Cela se ressent dans le design : architecturalement, on reste très proche des barettes actuelles basées sur des CMOS, et pour cause : la NRAM nécessite toujours un support de transistor en silicium afin d'effectuer les traitements logiques d'adressage.
Si les cellules sont en carbones, les puces restent gravées en silicium. Pour augmenter la densité, rien de plus simple : on empile !
Au niveau d'une cellule, l'idée est d'utiliser les interaction de Van der Waals, c'est-à-dire une propriétés résultants de différentes interactions répulsive et attractives, stabilisant en théorie deux atomes à une distance fixe. Par le biais d'un champs imposé par deux électrodes, il est possible de basculer entre deux états stables : nanotubes attachés ou détachés. Tout cela est bien joli, mais il faut également que ces deux états soit consultables (en lecture) rapidement pour en faire de la RAM, ce qui est possible via de simples considérations électriques : si de nombreux nanotubes se touchent, la résistance de la cellule est faible et le bit représenté à 1. Dans le cas contraire, les tubes se comportent de manières isolante (Nantero communique sur un facteur 10 entre ces deux résistances, de quoi avoir de la marge d'erreur) : le bit est à 0.
Une propriété intéressante réside dans le fait que ces cellules ne s'usent pas à l'utilisation (contrairement aux SSD), et ne sont pas diélectriques, c'est à dire que sa présence ne modifie pas le champ magnétique ambiant, autorisant ainsi théoriquement des assemblages multi-couche très denses, ainsi qu'un usage dans l'aéronautique (cela serait même déjà le cas !) grâce à sa résistance aux particules cosmiques.
Au niveau des performances, un accès lecture/écriture se situerait en dessous des 5ns, pour un prix qui serait apparemment plus faible de la RAM. Si cela venait à se vérifier, ces puces pourraient alors concurrencer la HBM comme mémoire rapide sur socket, mais ne nous emballons pas trop. Fujitsu ayant communiqué sur une première sortie en 2019, on ne peut qu'espérer que ce délai sera respecté, mais pour quelle compatibilité ? Cela rappelle étrangement la
3DXPoint version DIMM, prévue également pour ces dates-là ; préparez-vous pour une compétition mémoire de serveur l'an prochain !