Sans surprise, un scanner High-NA d'ASML coûte une blinde |
————— 14 Février 2024 à 16h26 —— 24947 vues
Sans surprise, un scanner High-NA d'ASML coûte une blinde |
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Si les fondeurs les plus à la pointe ne sont pas européens mais plutôt coréens, taïwanais et états-uniens, l’entreprise qui les équipe en machines lithographiques a son siège social à Veldhoven, au Pays-Bas ; il s’agit d’ASML. Vendredi dernier, la société a convié certains journalistes afin de parler de sa prochaine de génération d’outils de fabrication de puces High-NA à ultraviolet extrême (EUV). Le coût de cet équipement : 350 millions d’euros, soit environ deux fois plus que les systèmes EUV Twinscan NXE Low-NA (facturés environ 170 millions, bien que ce montant puisse varier selon les configurations).
Un scanner TWINSCAN EXE:5000 assemblé © ASML
Cet outil lithographique High-NA Twinscan EXE (ou High-NA) d'ASML est le summum du savoir-faire de l’entreprise actuellement. Chaque appareil pèse 150 tonnes, soit « autant que deux Airbus A320 » peut-on lire dans l’article du Taipei Times.
Au décollage et bien chargés, puisque 73,5 tonnes correspond au poids max lors du décollage pour l’A320-200 selon le site de la Lufthansa. Si nous soulignons « au décollage », c’est parce qu’une autre source, l’Austrian Airlines, renseigne 77 tonnes max au décollage mais seulement 66 tonnes à l’atterrissage. Le delta correspond sûrement au carburant consommé lors du vol plutôt qu’à des éjections de passagers en chemin. De fait, les avions peuvent effectuer un délestage de kérosène en cas d'atterrissage d’urgence.
Après cet intermède aéronautique, revenons-en à nos scanners. L’acheminement d’un scanner EUV est aussu un défi logistique : il implique 250 caisses réparties dans 13 conteneurs selon les informations de Reuters. L’installation sur site d’un tel système dure à peu près six mois et mobilise des dizaines de personnes.
Concrètement, les scanners EUV Twinscan High-NA doivent servir pour les nœuds de gravure inférieurs au 3 nm. Les principaux fondeurs espèrent descendre sous ce seuil vers 2025 ou 2026.
Si vous avez besoin de quelques explications sur la miniaturisation, vous pouvez lire les paragraphes qui suivent ; ou alors, passer directement à la partie suivante.
L'amélioration de la puissance de calcul de nos appareils est due à deux facteurs principaux depuis plusieurs décennies : les optimisations architecturales et l'amélioration de la finesse de gravure. Pour ce dernier point, la miniaturisation permet de réduire la taille des transistors afin d'en placer davantage sur les tranches de silicium, et donc d'augmenter la densité. La caractéristique qui détermine la plus petite structure pouvant être imprimée est appelée CD, pour critical dimension. Pour l'améliorer, les fondeurs ont deux leviers : la longueur d'onde de la lumière et l'ouverture numérique (NA).
Avec les scanners DUV, la limite atteinte par ASML pour la longueur d'onde est de 193 nm. La lithographie EUV a réduit cette longueur à 13,5 nm. Résultat : en 2010, le premier système de test NXE (Low-NA) a abouti à un CD de 13 nm, contre un peu plus de 30 nm pour un scanner DUV. Les systèmes EXE (High-NA) EUV vont plus loin en jouant sur l'ouverture numérique, qui passe de 0,33 NA à 0,55 NA. Le CD descend ainsi à 8 nm. Cela ouvre la voie à des transistors 1,7 fois plus petits, pour des densités 2,9 fois supérieures à celles offertes par les systèmes NXE.
ASML divise donc sa gamme de scanners EUV en deux grandes familles. D’un côté, on retrouve les modèles NXE (ou Low-NA) : les Twinscan NXE:3600D et Twinscan NXE:3400C. Le premier sert à la production en volume de puces en 5 et 3 nm, le second en 7 et 5 nm.
La famille EXE (ou High-NA) comprend les Twinscan EXE:5000 et le Twinscan EXE:5200, bien que seul le premier apparaisse sur la page consacrée aux systèms EUV sur le site d'ASML. Ils doivent faciliter la production de masse dans des nœuds inférieurs au 3 nm en limitant le recours à la structuration multiple, qui est à la fois coûteuse, complexe et risquée.
Comme rapporté ci-dessus, tous ces scanners utilisent une longueur d'onde de la lumière EUV de 13,5 nm. La différence a trait à l'optique. Le 3400C a une ouverture numérique de 0,33 pour un CD de 13 nm. La dose d'exposition est de 20 mJ/cm² ; la production d’au moins 170 wafers par heure. Le 3600D a une dose d’exposition de 30 mJ/cm² et produit au moins 160 wafers par heure.
L’EXE:5000 fait passer le CD à 8 mm grâce au 0,55 NA. La dose d’exposition est de 20 mJ/cm² pour une cadence de 185 wafers par heure. L’EXE:5200 n’a pas encore droit à une présentation aussi exhaustive sur le site d’ASML. Un communiqué de presse publié conjointement avec Intel il y a de cela quelques mois évoque néanmoins une productivité d’environ 200 wafers / heure pour cette machine.
Une feuille de route remontant à 2021 ; le calendrier a un peu changé depuis © ASML
Si nous parlons d’Intel, c’est parce que l’entreprise dirigée par Pat Gelsinger a été la première à acquérir un système Twinscan EXE:5200. Elle avait eu le primeur pour le Twinscan EXE:5000 en 2018 (qui resterait surtout un modèle de test). L’annonce de l’achat remonte au 18 janvier 2022, mais la machine n’a été livrée qu’en début d’année.
The best way to start the year. ????
— Intel News (@intelnews) January 4, 2024
Intel Oregon welcomes major components of @ASMLcompany’s first shipped High-NA EUV technology to help enable the continued and relentless pursuit of Moore’s Law.
Learn more: https://t.co/a5RVr1iWLX pic.twitter.com/NYEUozN4iM
Intel ne prévoit pas une production en série avec l'EUV High-NA avant 2025. L’entrée en service doit être effective pour le processus 18A (1,8 nm). Chez TSMC, le recours à ces machines pourrait n’intervenir qu’à partir du 1 nm, soit vers 2030.
À l’occasion de la visite de vendredi, ASML a précisé au journaliste de Reuters qu'elle avait, pour le moment, reçu entre 10 et 20 commandes. Outre Intel, un représentant a mentionné SK Hynix. ASML souhaite pouvoir livrer 20 systèmes par an d'ici à 2028.
Enfin, outre leur tarif élevé, ces systèmes EUV High-NA, plus imposants que leurs ancêtres, vont sûrement contraindre les fabricants à réorganiser certaines de leurs lignes. D’autre part, un article de TH.US relève que les concepteurs de puces devront repenser la conception de leurs produits en raison du champ d’imagerie réduit de moitié ; de toute façon, la fin du FinFET imposait déjà de tels changements.
Quelques mots sur les finances d’ASML pour finir. Cela fait plusieurs années que l’entreprise se porte très bien, et les résultats de 2023 confirment sa bonne santé. Le chiffre d’affaires a fortement progressé l’année dernière. Il est passé de 21,1 milliards en 2022 à 27,6 milliards d'euros en 2023. Les bénéfices sont aussi au beau fixe, en hausse de 39 % sur un an : 7,8 milliards d’euros au lieu de 5,6 milliards d’euros.
Résultats financiers 2023 © ASML
Ce qui est surtout intéressant à noter, c’est le bond des ventes en Chine. En raison des sanctions prises par les États-Unis, les entreprises chinoises ne peuvent acquérir des scanners EUV. Néanmoins, ces derniers ne servent qu’aux puces les plus évoluées, donc à la partie émergée de l’iceberg. Une part très importante de la production mondiale s’effectue sur des machines DUV moins perfectionnées : ASML restait autorisée à vendre des solutions comme les NXT:2050i et NXT:2100i en Chine, au fondeur SMIC notamment.
Cette indulgence de l’Oncle Sam a permis à l’entreprise hollandaise de générer un important chiffre d’affaires en Chine : il s’est élevé à 7,3 milliards en 2023, alors qu’il plafonnait sous les 3 milliards en 2022 et 2021.
Résultats par régions en 2021 et 2022 © ASML
Résultats par régions en 2023 © ASML
Néanmoins, toutes les bonnes choses ont une fin – surtout quand vont à l’encontre des intérêts des États-Unis. En début d’année, ASML a publié un communiqué dans lequel la société mentionne la révocation partielle de la licence d’expédition de ses systèmes de lithographie NXT:2050i et NXT:2100i vers la Chine par le gouvernement néerlandais. Ces derniers mois, de nombreux articles ont fait état des pressions exercées par l’administration américaine sur les pauvres Bataves ; autant dire que les véritables instigateurs de ce revirement sont plutôt à chercher de l’autre côté de l’Atlantique.
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