La Chine veut garder jalousement ses terres rares |
————— 02 Juillet 2024 à 12h01 —— 16943 vues
La Chine veut garder jalousement ses terres rares |
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Pourvoyeuse de petites mains à moindre coût pour les entreprises américaines – et mondiales – pendant plusieurs décennies, la Chine n’est plus tout à fait en odeur de sainteté auprès de l’Oncle Sam depuis qu’elle menace son hégémonie. Ce revirement se matérialise depuis maintenant plusieurs années par des mesures restrictives prises par l’une et l’autre des deux parties. Dans cette guerre technologie, la Chine, empêchée d’accéder à certaines technologies de pointe par les administrations Trump puis Biden, avait restreint l’exportation de germanium et de gallium l’été dernier – deux métaux rares indispensables au secteur de l’électronique. Le Nikkei Asia révèle que le gouvernement chinois va désormais plus loin en faisait de ses terres rares une possession de l’État.
Mine chinoise de Bayan Obo, en Mongolie intérieure © Reuters
Comme le stipule la source, qui cite le texte de la mesure en question, celle-ci expose le fait qu’aucune « organisation ni aucun individu ne peut exploiter ou détruire les ressources en terres rares » sans le consentement du gouvernement ; autrement dit, c’est une déclaration explicite de la propriété de l'État sur les terres rares. Cette règle vise bien sûr à garantir les intérêts nationaux et industriels de la Chine ; elle s’inscrit aussi dans le cadre de la guerre commerciale avec les États-Unis (et bientôt avec l'Europe ?). Le Nikkei précise qu’elle entrera en vigueur le 1er octobre et qu’elle s'appliquera à l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement des terres rares, depuis leurs extraction jusqu'à la transformation, la distribution et l'exportation.
Tel que rapporté en début d’article, ce n’est pas une démarche inattendue de la part de Pékin. En août dernier, la Chine avait déjà mise en place un système de licences à l’exportation pour le germanium et le gallium. En ce qui concerne le gallium, le pays fournit plus de 98 % de l'offre mondiale. Le nitrure de gallium (GaN) et l'arséniure de gallium (GaAs) servent pour diverses applications, synthétisées ci-dessous par le site Minéral Info.
Le site du Ministère des Armées français par exemple écrit que le premier « est un matériau particulièrement adapté à la fabrication de circuits intégrés hautes performances fonctionnant jusqu'à 100 GHz pour des applications en télécommunications, spatiales ou militaires ».
À propos de ces deux métaux, l’IFRI (Institut Français des Relations Internationales) expliquait en juillet 2023 :
« Le 3 juillet, le ministère chinois du commerce a annoncé qu'à partir du mois d'août, il restreindrait les exportations de gallium et de germanium bruts ainsi que les produits dérivés de ces deux métaux. La Chine domine l'offre mondiale de ces deux éléments, qui jouent notamment un rôle significatif dans la production de semi-conducteurs pour les véhicules électriques, les infrastructures de télécommunications 5G, les technologies d'énergie renouvelable, ainsi que dans d'autres utilisations telles que l'éclairage LED, les câbles à fibres optiques ou diverses applications spatiales et militaires. Il s’agit de matières premières critiques pour la double transition vers un avenir numérique et neutre en carbone. »
Selon Freiberger Compound Materials, le plus gros acheteur de gallium au monde, cette décision avait entraîné la constitution d’importants stocks avant son entrée en vigueur ; entrée qui en vigueur qui avait momentanément causé l’arrêt des livraisons, le temps que les demandes de licences fussent traitées. De fait, le cours du gallium n’a cessé de grimper depuis, sans toutefois retrouver ses niveaux de 2022.
© tradingeconomics.com
Pour le moment, nous nous garderons bien de conjecter la portée qu’aura cette nouvelle mesure, dont les contours restent flous ; nous imaginons mal la Chine stopper totalement ses exportations de terres rares. La source précise qu’en 2023, le pays a produit environ 70 % des éléments de terres rares du monde.
Concernant le gallium et le germanium, sans entrer dans les détails de leur production, celle-ci ne s’effectue pas sous forme de gisements naturels comme pour le charbon par exemple. Ce sont des sous-produits d’autres minerais qui peuvent être obtenus dans divers endroits du globe.
À propos du germanium, le site Minéral Info précise ainsi que « la production de germanium est liée aux production de zinc pour les trois-quarts mais aussi du charbon, principalement en Chine, et dans une moindre mesure en Russie et aux États-Unis ».
Au sujet du gallium, la page consacrée indique « qu’il provient en grande majorité de la filière de production d’aluminium (sous-produit du raffinage de la bauxite en alumine) » ; qu’il est en conséquence difficile d’établir la répartition de l’origine minière du gallium « puisque la Chine, principal producteur métallurgique, récupère le gallium dans ses raffineries qui traitent des bauxites importées de divers pays (Australie, Malaisie, Inde, Indonésie, etc.) ».
Ce qu’il faut retenir, c’est que la main-mise de la Chine sur la production n’est pas forcément immuable. Factuellement, le pays a volontairement maintenu des prix bas pendant plusieurs années afin de rendre la production de certains métaux peu rentable ailleurs. Les mesures prises l’année dernière ont cependant incité des entreprises d'autres pays à recommencer l'extraction et le raffinage. Il faudra néanmoins du temps pour remettre en route la machine industrielle et diminuer la domination de la Chine sur ces marchés.
Enfin, rappelons que les règles américaines en matière d'exportation limitent drastiquement l'accès de la Chine aux équipements avancés de fabrication pour les technologies de traitement de pointe (inférieures à 14 / 16 nm). Et le gouvernement américain ne s’est pas gêné pour faire pression sur des entreprises européennes, au premier rang desquelles ASML, afin que cette dernière n’exporte plus vers la Chine : cette attitude n' a pas été préjudiciable aux affaires de la société en 2023, mais l'est devenue en 2024. Bref, comme dans toute confrontation, chacun réplique avec ses armes ; bonnet blanc et blanc bonnet.
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