Mark Liu, président de TSMC, interviewé. Qu'avait-il de beau à dire ? |
————— 06 Octobre 2021 à 09h10 —— 13405 vues
Mark Liu, président de TSMC, interviewé. Qu'avait-il de beau à dire ? |
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Dans le cadre d'un article du TIME abordant entre autres le rôle aujourd'hui critique de TSMC — en grosse partie grâce à Apple qui a joué un grand rôle dans sa montée en puissance — dans la production mondiale de semiconducteur, Mark Liu a été interviewé pour élaborer un peu plus ce qui s'est passé depuis le début de la crise du semiconducteur. Il se trouve que dès le départ, le fondeur avait dû se défendre face aux plaintes des constructeurs de bagnoles soudainement en manque de puces, acteurs qui furent ensuite parmi les premiers à suggérer que TSMC était l'une des raisons de leurs nouvelles difficultés et à accuser le fondeur de préférer donner la priorité à d'autres clients. À ce sujet, Mark Liu a forcément défendu son entreprise, n'étant clairement pas d'accord avec les accusations :
But I told them, "You are my customer's customer's customer. How could I [prioritize others] and not give you chips."—Mark Liu, président de TSMC.
C'est à cause de ces allégations aussi contre l'entreprise que le président avait ensuite mis en place une équipe pour collecter toutes les informations requises pour faire la lumière sur ce qui est en train de se passer et de distinguer dans un premier temps les clients qui furent réellement en manque de semiconducteur, de ceux qui jouèrent au jeu de la fourmi en remplissant simplement leurs réserves de secours. Suivant cette investigation, le fondeur avait décidé unilatéralement de redistribuer l'allocation de la production aux clients vraiment au bout de leurs stocks, forcément aux dépens des entreprises que TSMC estimait qu'elles possédaient déjà un inventaire conséquent sans réel besoin identifiable dans l'immédiat. Une décision qui pouvait semble juste compte tenu de la situation, mais elle n'était apparemment pas très populaire. Dans ce contexte, le propos suivant est également intéressant à relever :
There are people definitely accumulating chips who-knows-where in the supply chain." - Mark Liu, président de TSMC.
En effet, ces mots de Mark Liu font aussi penser qu'il n'estime pas que ce seraient nécessairement les clients de TSMC qui furent à l'origine du problème, mais potentiellement plutôt les intermédiaires et les distributeurs. Bon, on ne verrait pas non plus TSMC dire du mal de ses clients, mais ce n'est pas bien difficile à croire, et on peut très bien imaginer que certains acteurs sans scrupules et ayant un sens des affaires très aiguisé puissent avoir siphonné — et le font peut-être toujours — autant que possible de l'approvisionnement en semiconducteurs dans le seul de but de faire grimper les prix, et ce dans un contexte favorable où le flux était déjà particulièrement tendu... Autrement dit, du scalping, quoi ! Qui sait, certains l'ont peut-être aussi fait dans l'objectif de tenter de mettre leurs concurrents au pied du mur... Un problème qui n'est pas sans rappeler ce qui est aussi en train de se passer avec les matières premières cruciales pour tant d'industries, et dont la Chine contrôle une très grosse portion de la production et distribution. Néanmoins, certaines compagnies avaient probablement aussi des motifs parfaitement légitimes pour vouloir renforcer ainsi leur inventaire et il faudrait sûrement aussi se pencher sur ce qui les a réellement poussés à le faire.
The more I look at it, it’s not going to be enough. - Mark Liu, président de TSMC.
Accessoirement, Mark Liu s'est aussi prononcé sur l'enveloppe de 50 milliards que les USA vont allouer à la production de semiconducteurs dans le cadre de l'US Innovation and Competition Act. Une somme importante, mais qui fait tout de même pâle figure face aux 100 milliards que TSMC va investir seul de son côté sur les 3 prochaines années. En tout cas, selon le président, l'investissement des USA ne serait clairement pas suffisant. À titre indicatif, la Corée du Sud veut encourager les acteurs du semiconducteur à investir 450 milliards de dollars sur les 9 années à venir. On rappelle aussi que l'Europe veut travailler à récupérer une part de 20 % de la production mondiale de semiconducteur d'ici 2030. Toujours est-il que la dominance de TSMC est telle que ses plus grands rivaux ne sont plus uniquement des compagnies, mais aussi des gouvernements ! Et si TSMC semble déjà avoir gagné la bataille pour 2030, c'est plutôt l'après-2030 qui est maintenant à conquérir... L'avenir nous dira si les bons choix auront été effectués aujourd'hui par les différents partis engagés dans cette course (Source : TIME, via TPU)