Le chargeur commun USB-C : fausse bonne idée ou vraie bêtise? |
————— 29 Décembre 2023 à 15h21 —— 56325 vues
Le chargeur commun USB-C : fausse bonne idée ou vraie bêtise? |
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TRIBUNE — Le Chargeur Commun, cette directive européenne qui impose à toute une série d'appareils électroniques de posséder un port USB-C compatible avec le protocole USB Power Delivery de niveau 1, semble donc une grande avancée pour les gens qui détestaient le Lightning et l’USB Micro B. Et ces gens existent, apparemment.
L'USB-IF, organisation rédactrice de la norme et des spécifications de l’USB, donc éminemment favorable à sa promotion, se sont pourtant exprimés ouvertement contre la directive du chargeur commun, que ce soit par la voix de son COO Jeff Ravencraft et par missive officielle à la commission.
Évidemment, son premier argument est à propos de la rétrocompatibilité : la décision de la commission ampute de facto le standard USB de ses protocoles de charge (le Battery Charging) et de ses interfaces les plus anciennes (le Type A et le Type Micro B). C'est un souci pour les consommateurs qui se retrouvent avec un écosystème de câbles stable depuis plus de 10 ans obsolète, mais aussi pour les industriels dont les lignes de production largement automatisées vont nécessairement en prendre un coup.
Mais en plus de sacrifier le passé, l'innovation est maintenant soumise à filtre de la commission. En effet, la directive fait référence, par exemple, à la norme des câbles et connecteurs de 2021… Avant l'ajout des câbles permettant de passer 240 W (l’Extended Power Range). Un acte délégué de 2023 a mis à jour le texte de loi… Avec un an de retard. Et oui, l'innovation va un poil plus vite que la politique, on dirait.
Mais le troisième point d’achoppement de l’USB-IF, c'est finalement que malgré cette directive lourde de conséquences, la commission européenne ne fait aucun effort sur l'obligation aux vendeurs de matériel électronique sur la mise en conformité aux normes USB, ni sur l'affichage aux clients de ce qu'un câble, un chargeur ou un terminal peut faire. En clair, l’USB-IF accuse la CE d'imposer au consommateur de partir à poil dans la jungle.
Pour expliquer un peu mieux ça, les instances européennes avaient fait une étude d'impact assez fournie. Cette étude évaluait l'impact de six mesures distinctes à partir desquelles bâtir la directive, de PO1 à PO5 (oui).
La mesure PO5 répondait effectivement au dernier point de l’USB-IF. L’idée était d'ajouter à la conformité européenne en vigueur sur les câbles et appareils électroniques une section spécifique pour les USB où le fabricant déclarerait pour quels protocoles son produit est qualifié, avec des risques pénaux si ça s'avérait faux. En contrepartie, le consommateur saurait clairement ce dont chaque câble, alimentation ou terminal est capable.
Les mesures PO4 concernaient le dégroupage, c'est-à-dire l'interdiction de la vente des alimentations (PO4a) et des alimentations et des câbles (PO4b) dans la même boîte que l'appareil.
La PO3 demandait l'établissement d'un chargeur universel pour tous les téléphones portables. La PO2 d'imposer la compatibilité de tous les téléphones portables avec le standard USB Power Delivery, et donc la PO1 d’imposer un seul connecteur, l’USB-C.
L'étude liste les impacts économiques pour les clients et les fournisseurs, mais aussi l'impact écologique, qui est le but affiché de la mesure. Et là, surprise pour personne : le dégroupage des alimentations et des câbles (la PO4b) est la meilleure avec une réduction de 10% des déchets électroniques et de plus de 20% de l'utilisation de matières premières, suivie de la PO4a, 4 fois moins efficace. La PO5 avec l'exigence d'affichage des intercompatibilités est la 3e, et la compatibilité avec l’USB Power Delivery est la 4e.
Par contre, l'harmonisation des connecteurs et des câbles sur le Type C est négative pour le consommateur et pour l'environnement. Et c'est logique : L'USB-C est un connecteur complexe, le câble a plus de brins que le Lightning ou le Micro-B, il comporte des tresses et des foils. Le faible écartement des broches nécessite un PCB dans le câble, de chaque côté, et les alimentations USB Power Delivery sont plus complexes. Les enquêtes de l'étude montrent que la réduction du nombre de câbles chez les clients ne sera pas suffisante pour compenser l'obésité de l'écosystème USB-C. Il ne faut pas oublier que l'USB-C est plus une évolution du Thunderbolt ou l'équivalent d'une connectique vidéo comme l’HDMI qu'une connectique d'alimentation !
Un câble USB-C, c'est peuplé ! Il en existe des plus simples (7 fils, sans les SS) mais en dessous, ce sont des solutions propriétaires à ce jour.
Et pourtant, malgré cela, la commission a choisi de mettre en place la PO1, la PO2 et la PO4a. Pourquoi ? La communication à ce jour de la CE met l'accent sur… Le fait de faire la nique à Apple par l'harmonisation des connecteurs, pour le bien du consommateur européen. Sauf que sa propre étude d'impact montre que c'est au contraire au détriment du consommateur et de l'environnement.
La directive du chargeur commun aurait pu être bien. Il s'en est fallu de pas grand-chose, en réalité :
Bref, la politique européenne et l'électronique, ce n’est pas encore tout à fait ça.
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