La Nintendo Switch ne souffrira plus de la concurrence de son émulateur fétiche, Yuzu |
————— 06 Mars 2024 à 13h34 —— 44309 vues
La Nintendo Switch ne souffrira plus de la concurrence de son émulateur fétiche, Yuzu |
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Vous avez certainement déjà entendu parler de Yuzu, un émulateur open-source de Nintendo Switch assez populaire. Disponible depuis 2018 et sans cesse perfectionné, il prenait en charge de nombreux jeux disponibles sur la console de Nintendo, de The Legend of Zelda : Tears of the Kingdom à Red Dead Redemption. La semaine dernière, la firme nippone a toutefois décidé de siffler la fin de la récréation : elle a intenté un procès contre Tropic Haze LLC, le développeur à l’origine de Yuzu, mais également de Citra, un émulateur de 3DS. L’affaire a finalement été rondement menée ; en à peine six jours, Tropic Haze LLC a consenti à la demande de Nintendo. Les créateurs se sont engagés à retirer Yuzu des plateformes ainsi qu'à verser des dommages et intérêts.
Pour jouer aux jeux Switch, vous aurez besoin d'une Switch © WCCFTech
Selon les documents partagés par TheVerge, les deux parties ont coupé court au procès en soumettant au tribunal un joint filling. Nous ne sommes experts ni en droit américain ni en droit français, mais cette procédure semble s’apparenter à une requête conjointe ; ce que les sites Service-Public.fr et celui de la greffe du Tribunal de Commerce de Paris qualifient d’acte de procédure commun à plusieurs parties, par le biais duquel celles-ci soumettent au tribunal leur litige, « en y exposant leurs points de désaccord en même temps que leurs prétentions et moyens respectifs », afin qu’il le tranche, ou valide leur accord. Bref, l’important à retenir est qu’il s’agit d’une procédure « basée sur le consensus des parties » où le juge ne fait qu'entériner une résolution décidée par celles-ci.
Ainsi, dans un document titré Tropic Haze Joint Mot Consent Judgment, Tropic Haze LLC accepte un règlement de 2,4 millions de dollars et l’injonction consistant à stopper immédiatement tout développement, distribution et promotion de Yuzu. Dans le cadre de cet arrangement, Nintendo va également récupérer le nom de domaine yuzu-emu.org.
De fait, la légalité des émulateurs fait débat depuis de nombreuses années. Dans la plainte initiale, le caractère illégal mis avant par Nintendo porte surtout sur le contournement du cryptage ainsi que sur l’obtention de clés propriétaires.
Un passage évoque explicitement le cas de Legend of Zelda : Tears of the Kingdom, qui était jouable sur Yuzu le jour de son lancement (même un peu avant). Pour l’entreprise, cela prouve que les développeurs ont utilisé des copies piratées du jeu avant sa sortie.
De manière générale, l'entreprise nippone estime que « le préjudice causé à Nintendo par Yuzu va bien au-delà des utilisateurs qui font des copies non autorisées de jeux qu'ils ont légalement achetés. D'après les informations disponibles, la grande majorité des utilisateurs de Yuzu se servent de Yuzu pour jouer à des jeux piratés téléchargés ».
Le juge devait ainsi trancher de l’assertion suivante : « Le développement ou la distribution de logiciels, y compris Yuzu, qui, dans leur utilisation normale, ne fonctionnent que lorsque des clés cryptographiques sont intégrées sans autorisation, viole l'interdiction du Digital Millennium Copyright Act relative au trafic de dispositifs permettant de contourner des mesures de protection en vigueur, car le logiciel est principalement conçu dans le but de contourner ces mesures ».
Comme le précise l’article de TheVerge, sur le papier, Yuzu est un émulateur de type « apportez votre propre BIOS ». Néanmoins, dans sa plainte initiale, Nintendo suggère qu’il facilite le piratage mentionné ci-dessus et ce, de multiples façons : en communiquant des « instructions détaillées » sur la façon de « le faire fonctionner avec des copies illégales de jeux Nintendo Switch », en fournissant des liens vers des sites Web qui aident les utilisateurs à « obtenir et distribuer davantage les clés prod.keys ». Enfin, Nintendo considère que les développeurs ont eux-mêmes piraté des jeux Nintendo Switch à des fins de test.
Nous ne savons pas si Nintendo a d’autres émulateurs dans le viseur – Ryujinx notamment. Quant à Yuzu, le site web officiel affiche désormais le message ci-dessous. N’y cherchez pas la moindre subversion ; il relève plutôt de la contrition du coupable qui plaide pour alléger sa peine.
« Bonjour aux yuz-ers et aux fans de Citra : Nous vous écrivons aujourd'hui pour vous informer que yuzu et le soutien de yuzu à Citra sont interrompus, avec effet immédiat.
yuzu et son équipe ont toujours été contre le piratage. Nous avons commencé nos projets en toute bonne foi, par passion pour Nintendo, ses consoles et ses jeux, et nous n'avions pas l'intention de causer du tort. Mais nous constatons aujourd'hui que nos projets, en contournant les mesures de protection technologique de Nintendo et en permettant aux utilisateurs de jouer à des jeux en dehors du matériel autorisé, ont donné lieu à un vaste piratage. En particulier, nous avons été profondément déçus lorsque des utilisateurs se sont servis de nos logiciels pour faire fuiter le contenu de jeux avant leur sortie et ruiner l'expérience des acheteurs légitimes et des fans.
Nous avons décidé que nous ne pouvions pas continuer à permettre que cela se produise. Le piratage n'a jamais été notre intention et nous pensons que le piratage des jeux vidéo et des consoles de jeux vidéo doit cesser. À partir d'aujourd'hui, nous allons mettre hors ligne nos dépôts de code, arrêter nos comptes Patreon et nos serveurs Discord et, bientôt, fermer nos sites web. Nous espérons que nos actions constitueront un petit pas vers la fin du piratage des œuvres de tous les créateurs.
Nous vous remercions pour vos années de soutien et pour votre compréhension de notre décision. »
Texte potentiellement rédigé sous la menace d’un yuzu dégoupillé
Deux nouveaux émulateurs, Nuzu et Suyu, basés sur la dernière version de Yuzu, sont rapidement nés sur les cendres de ce dernier. Le premier n’est déjà plus accessible, cependant. En outre, la plus-value de Yuzu était bien sûr son suivi régulier, avec des développeurs aux petits soins. Il n’est pas certain qu’un éventuel successeur profite de la même attention ; le cas échéant, gageons que Nintendo prendrait rapidement des mesures appropriées pour tuer le projet, d'autant plus dans ce contexte.
Yuzu a vraisemblablement permis à certains joueurs ne possédant pas de Switch de s’adonner à certaines exclusivités de l’hybride de Nintendo. Seulement cette dernière, vendue à presque 138 millions d’exemplaires depuis sa sortie en 2017 (données VGChartz) – soit la troisième console la plus populaire de tous les temps, derrière la PS2 et la Nintendo DS ; pas mal pour une vulgaire tablette ! – n’a visiblement pas trop pâti de cette « concurrence ».
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