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Le Li-Fi à l’école maternelle, pas vraiment une idée de génie

Lors de la rédaction de notre dossier jaugeant de l'état du Li-Fi en 2024, nous avions contacté l’école maternelle Chantefleur de L'Isle Adam afin de connaître leur avis après quelques mois d’utilisation. Cet établissement a été le premier du genre en Île de France équipé du Li-Fi (à la rentrée 2022). La réponse écrite fut un « retour d'expérience très contrasté ». Nous avons pu nous rendre sur place afin d’échanger avec le personnel.

lifimax tablette ecole illustration

© Oledcomm

Des tablettes mises au placard

Déjà, soulignons que la loi Abeille de 2015 n’a pas interdit le Wi-Fi dans les écoles maternelles. L’interdiction n’a été formellement entérinée que pour les établissements d’accueil d’enfants de moins de trois ans (autrement dit les crèches et les garderies — et aux dires de certains, la prohibition ne serait pas souvent scrupuleusement respectée ; par ailleurs, l'admission en maternelle peut se faire dès 2 ans). Pour la maternelle, le site du ministère de l’Académie de Paris définit ainsi le cadre suivant : « Dans les écoles maternelles et élémentaires, les points d’accès Wi-Fi doivent être pourvus d’un mécanisme simple permettant de désactiver l’accès sans fil lorsque les activités pédagogiques ne le nécessitent plus ».

Concernant l’installation pour le site de Chantefleur, des points d’accès Li-Fi sont disposés dans les quatre salles de classe, ainsi que dans la bibliothèque. Cette dernière pièce héberge également quelques ordinateurs fixes (quatre ou cinq de mémoire), connectés en Ethernet, ainsi que l’armoire vers laquelle converge l’infrastructure réseau de l’école (nous n’avons pas pu farfouiller, mais c’est une simple baie de brassage de petite taille). La localité est connectée au réseau fibre.

Que ce soit dans les classes ou dans la bibliothèque, l’émetteur Li-Fi est un petit boîtier noir fixé (grâce à de la colle Colle Ni Clou Ni Vis, pour l’anecdote) sur l’une des nombreuses poutres en bois qui forment la charpente ; les fils courent sur celles-ci et ne sont donc pas visibles du bas. Des espaces dédiés sont aménagés sous chaque bloc d'émission (des tables et chaises dans certaines salles, des fauteuils dans les autres). Les professeurs estiment à environ trois mètres de diamètre la zone couverte par le Li-Fi sous chaque émetteur. Outre les tablettes présentées dans la vidéo promotionnelle, Oledcomm a fourni au personnel des adaptateurs USB. Rien de sorcier, ils servent à connecter n’importe quel ordinateur au réseau Li-Fi (en mode Plug and play).

Les professeurs considèrent la connexion comme correcte pour leur PC personnel. Les quelques tests que nous avons effectués n’ont cependant pas matérialisé la « connexion fiable et très rapide » vantée dans la vidéo. Nous avons subi de nombreuses déconnexions. Quant aux débits, ils étaient au mieux de 86 Mbit/s en téléchargement et de 54 Mbit/s en transfert ; ce, bien en dessous du boîtier (avec une latence de 6 ms sur le serveur de Paris et une gigue correcte). En s’écartant de seulement un mètre, les valeurs chutaient (à 51 Mbit/s et 31 Mbit/s en l’occurrence). Autant dire que nous sommes loin des débits théoriques promis.

Ce n’est toutefois pas la qualité de la connexion qui justifie l’appréciation « contrastée ». Le personnel nous a confié avoir très rapidement remisé les tablettes au placard. Concrètement, les enfants ne les auraient utilisées que pour la réalisation du clip. La raison : une autonomie très insuffisante, assortie d’une logistique trop contraignante pour une telle structure et avec d’aussi jeunes bambins.

En conséquence, les tablettes prennent la poussière depuis des mois. Nous avons seulement pu en manipuler une sans la lancer (nous avons bien essayé, mais elle bloquait sur l’écran de chargement). À première vue, ce sont les modèles LiFiMAX Tab. La fiche technique du site d’Oledcomm indique qu’elles possèdent donc un SoC MediaTek MTK6762, 4 Go de RAM ; une batterie principale de 8 000 mAh et un batterie supplémentaire de 6 000 mAh pour le Li-Fi. Indépendamment de la config, logiquement pas très haut de gamme, ce n’est pas non plus du matériel obsolète. Surtout, sur le papier, rien n’explique l’autonomie famélique (avec seulement quelques minutes d’utilisation, d’après les professeurs). Nous n'excluons pas le fait que les tablettes fussent entreposées en veille dans les placards, avec des options de connectivité drainant leur batterie. En dehors de ça, elles s'avèrent très lourdes pour de jeunes enfants.

lifimax tab

À propos de la logistique, les contraintes mises en avant sont plus tangibles : aucun hub de charge n’a été installé. Et si brancher une tablette chez soi est peu contraignant, imaginez le faire pour des dizaines, sans lieu spécifique où les entreposer ; tout ça en étant sollicité par une horde de moutards, dans un environnement où le flux de personnes nous a paru assez constant, et donc avec un fort risque de dommages ou de vols.

En outre, les professeurs nous ont fait part de l’absence total de suivi matériel et logiciel. Des membres d'Oledcomm ne sont jamais revenus dans l’école. Aux dires du personnel, l’entreprise n’a même pas donné suite aux critiques formulées sur l’autonomie des tablettes. Quant à la municipalité, il est probable que le service informatique d’une école maternelle ne soit pas sa priorité ; en témoigne l’un des boîtiers Li-Fi qui s’est décroché et qui, depuis, pendouille lamentablement au bout de ses deux fils dans l’une des classes. Pour ne rien arranger, nous avons appris que l’utilisation de logiciels dans un cadre scolaire est soumis à l’obtention de licences pédagogiques. Cela nécessite donc d’allouer un budget, de garantir un suivi, une assistance, etc. Or, en dépit de l’installation du Li-Fi, cet axe pédagogique ne semble pas être la priorité de la direction actuelle de l'école.

À ce sujet justement, autant le formuler sans ambages : l’équipe n’est clairement pas emballée par la perspective de coller des enfants de 3 à 5 ans devant des tablettes. Les professeurs estiment qu’il y a des activités bien plus intéressantes à proposer à de jeunes enfants. Ce n’est pas de notre ressort, mais les méfaits de l’exposition aux écrans dans ces tranches d’âge sont largement débattus. Gageons que beaucoup de parents ne seraient certainement pas ravis de savoir que leur marmot est scotché devant une tablette à l’école maternelle.

Les rares cas d’utilisation du numérique au sein de la classe dont les professeurs nous ont fait part se bornent à de rapides sessions au cours desquelles les élèves se rassemblent autour de ce dernier pour visionner quelque chose sur son propre PC. Ensuite, comme rapporté précédemment, plusieurs ordinateurs fixes sont installés dans la bibliothèque (et ils l'étaient a priori avant l'installation du Li-Fi, contrairement à ce que déclare le responsable informatique dans la vidéo). Cette pièce possède également un grand tableau interactif.

Courage, nous arrivons au terme de ce papier, malheureusement peu illustré. Nous avons quelques photos qui auraient pu aérer ces blocs de texte, mais il nous aurait fallu, pour les publier, l’autorisation — que nous n’avons pas eue à ce jour — de la mairie.

Pour conclure, soulignons tout de même que les études visant à attester des effets du Wi-Fi sur l'humain sont nombreuses. Or, jusqu’ici, la dangerosité d’une exposition ordinaire n’a toujours pas été démontrée. Pour se limiter à l’OMS, l’organisation a diligenté une revue systématique dont la conclusion est, qu’à ce stade de la recherche, les ondes électromagnétiques des technologies sans fil sont sans danger pour la santé. Enfin, si le Wi-Fi a été chassé de l’école maternelle de Chantefleur, le réseau de téléphonie mobile, bien que capricieux et limité à la 4G, traverse toujours ses murs.

Quoi qu'il en soit, depuis cette installation et en dépit de la loi Abeille, le Li-Fi n’a pas essaimé au sein d’autres établissements scolaires. Est-ce qu'un tel réseau est indispensable dans une école maternelle ? Vous avez maintenant pas mal d'éléments pour vous faire votre propre avis. Mais comme nous le conjecturons dans notre dossier, l’avenir de cette technologie s’écrira certainement dans d’autres domaines, comme l’aérospatial ou le secteur militaire ; bref, là où l'usage du Wi-Fi n'est pas viable.

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