Dossier • le marché des clefs de jeux vidéo

Kessecé la TVA ?

Pour commencer, la TVA est une invention française (cocoricooooo) qui date de 1954. C'est une taxe calculée sur le chiffre d'affaire et elle a été depuis adoptée par de nombreux états étrangers. En France, les recettes de la TVA représentent à peu près 50% des recettes fiscales de l'État.

Dernièrement (le 30 octobre 2014 et c'est passé depuis le 1er janvier 2015), une directive européenne a fait en sorte que la taxe soit redevable en fonction du pays où se trouve l'acheteur. Pour nous en France la TVA est de 20%, comme au Royaume-Uni ou en Autriche, elle grimpe à 21% en Italie et en Belgique, à 22% en Espagne et peut aller jusqu'à 27% en Hongrie. Un jeu vendu 10€ hors taxe sur le net coûtera donc 12€ en France, au Royaume-Uni et en Autriche, 12,10€ en Italie et en Belgique, 12,20€ en Espagne et un Hongrois le paiera 12,70€ pour prendre un exemple simple.

La TVA est un impôt indirect sur la valeur ajoutée de l'entreprise qui est supporté par le consommateur final. C'est un impôt censé être neutre pour les entreprises qui peuvent déduire la TVA (pas les autoentrepreneurs ou les microentreprises simplifiées). Un exemple (tout à fait fictif) valant de longues explications, voilà comment cela se passe.

éKommençamarch' ?

ASUS achète à NVIDIA de quoi faire une GTX 980 pour 120€ TTC, soit 100€ HT et 20€ (20%) de TVA. ASUS fabrique la carte et la revend à un grossiste pour 240€ TTC, soit 200€ HT et 40€ de TVA. ASUS déduit la TVA de 20€ qu'il a payé à NVIDIA des 40€ qu'il a collecté en vendant au grossiste. Il reverse donc au Trésor Public 20€ (40-20) de TVA, ce qui correspond à 20% de sa valeur ajoutée de 100€ sur le produit (200-100).

Le grossiste fournit la carte à un revendeur pour 360€ TTC, 300€ HT et 60€ de TVA. Il reverse 20€ au trésor Public (60-40) ce qui fait toujours 20% de la valeur ajoutée au produit de 100€ (300-200). Maintenant le revendeur vend la carte à un particulier pour 600€ TTC, soit 500€ HT et 100€ de TVA. Il reverse alors 40€ au trésor Public ce qui fait toujours 20% de la valeur ajoutée de 200€ (500-300).

C'est peut-être un peu indigeste là comme ça, mais ça montre que sur 220€ de TVA collectés, 100€ reviennent à l'état via les entreprises qui ont la charge de la collecter pour le compte du Trésor Public. C'est un impôt payé en partie par la valeur ajoutée par l'entreprise et par le particulier en bout de chaîne. C'est ce point de "bout de chaîne" qui fait débat sur le marché du dématérialisé.

Quand on achète en France depuis la France, on paie la TVA française de 20%. Quand on achète en France depuis un état membre de l'Union Européenne, on paie la TVA française et le vendeur qu'il soit anglais, hongrois ou italien se doit de reverser la TVA au Trésor Public français. C'est une chose qui fonctionne tout à fait dans nos frontières et celles des pays membres de l'Union Européenne. Maintenant, qu'en est-il pour les pays qui n'en font pas partie et/ou n'appliquent pas la TVA ?

La TVA, c'est un joyeux bordel !

En ce qui concerne les importations en France, la loi est ainsi faite (article 291 à 293 A Bis du CGI) : «Les importations en France sont soumises à la TVA française. La TVA est due lors de l'entrée du bien en France lors du dédouanement, ou lors de la mise à la consommation du bien antérieurement placé sous un régime douanier.»

Dans ces cas-là, c'est très simple. Si l'entreprise ne joue pas le jeu de la TVA c'est la douane française qui s'en charge et qui fait en sorte que l'acheteur paie les 20% dus. Qui n'a jamais serré les fesses en espérant qu'un jeu commandé aux US ne soit pas contrôlé par la douane pour éviter une majoration ?

C'est sur ce point en particulier que le marché du jeu vidéo dématérialisé pose problème à nos gouvernants. Si la douane peut vérifier les supports physiques, internet est mondial et rien ne permet (encore) de fliquer tout ce qui entre en France. Du coup, la France et l'Union Européenne essaient de mettre en place une loi visant à obliger les revendeurs à collecter la TVA pour eux et à la reverser en fonction du pays de résidence de l'acheteur. Vous achetez à un revendeur chinois en habitant en France, vous payez 20% de plus que le prix affiché et le revendeur doit reverser ces 20% au Trésor Public français. Après tout, notre système fonctionne en grande partie grâce à la TVA et c'est une grosse fuite de liquidité pour l'État alors que notre économie n'est déjà pas au mieux de sa forme. Des moyens ont été mis en place pour faciliter les choses, car la loi est entrée en vigueur au 1er janvier 2015, même si les résultats ne sont pas encore là.

Payer la TVA ?

Alors que la loi était à l'étude, de nombreux sites se sont mis à afficher la TVA, charge à l'acheteur de sélectionner son lieu de résidence. Certains semblent jouer le jeu et nous ont dit reverser la TVA (comme Instant-Gaming, même si rien ne prouve que c'est le cas), mais d'autres ont eu une approche différente. Chez G2A, ils ont vite affiché la TVA "optionnelle". Si vous en aviez l'envie, vous pouviez choisir de la payer, ça a duré un temps, mais depuis un petit moment l'offre n'est plus disponible. D'un autre côté, G2A ne reversait apparemment pas la TVA et donc l'acheteur français qui désirait être réglo acceptait apparemment juste de payer 20% de plus que le vendeur se mettait dans la poche.

Pour certains, la loi n'est pas applicable et ils font sans. C'est le cas du site BuyKey.fr qui est une société parisienne immatriculée à Singapour. Situé dans une zone où il est très difficile pour les États d'aller chercher des explications, à quoi bon jouer le jeu de la TVA après tout ? Certains élus des États-Unis ont le même discours, cette loi imposant aux autres pays de bosser pour l'Europe, rien ne les oblige à s'y plier et pour parler cruement "chacun sa merde".

Facile de refuser des lois quand 10578km séparent le compte en banque du lieu d'activité !

Sujet épineux donc, les pays de l'UE ont besoin de la TVA pour vivre, mais la vente mondiale empêche de la collecter quand il n'y a pas de support physique. Il est facile de rendre certaines pratiques illégales sur le territoire, mais quand c'est chez les autres, les choses sont bien moins aisées. De plus, lorsque l'activité est légale (c'est-à-dire que les clefs vendues ne sont pas illicites) le problème n'est plus de vendre des choses interdites, mais de le faire sans que l'État touche sa part sur les ventes.

Du coup, maintenant que l'on sait faire la différence entre une "clef CD" et une "clef d'activation" (en préférant la seconde qui est la seule légale en France dans le cadre de la vente dématérialisée), que l'on a commencé à regarder comment savoir à qui faire confiance et qu'on a dégrossi le sujet de la TVA, on peut gaiement faire un point sur les offres de ce marché et ses différents acteurs.